Associations présumées coupables?

Après les vifs débats qui ont animé le débat public autour de la liberté d’informer, c’est aujourd’hui la liberté associative qui se trouve mise en question par le projet de loi confortant le respect des principes républicains.   Deux libertés publiques aussi fondamentales l’une que l’autre au cœur du socle républicain et démocratique. Les premières que les régimes autoritaires cherchent en général à museler. À chaque fois, quelques déviations à la loi commune sont montrées du doigt pour imposer une nouvelle règle coercitive applicable à tous. À chaque fois, l’arsenal juridique en vigueur permet pourtant déjà de condamner ces exactions. Ainsi d’un groupement islamiste radical s’abritant derrière le paravent de la loi de juillet 1901 relative au contrat d’association. Des pseudos associations prônant la radicalité violente et faisant appel à la haine, d’origine religieuse ou non, violant les lois et libertés républicaines (dont le droit d’association !), peuvent être légalement dissoutes (article 212-1 du Code de la Sécurité Intérieure). Les exemples ne manquent pas.

C’est pourquoi le Mouvement associatif dans son ensemble s’interroge légitimement sur les raisons motivant le nouveau « contrat d’engagement républicain » pour les associations recevant des subventions, prévu dans le projet de loi sur le séparatisme, rebaptisé loi confortant le respect des principes de la République. Pourquoi quelques cas marginaux, qui n’entrent ni dans l’esprit ni dans la lettre de la loi de 1901, qui fait partie de nos rares principes à valeur constitutionnelle, devraient-ils conduire à jeter la suspicion sur l’ensemble du monde associatif, en lui imposant le préalable d’un « contrat d’engagement républicain » ? D’autant que les organisations incriminées, ne percevant pas de subventions dans la plupart des cas ne seront pas concernées par la signature de ce contrat censé les viser… Les associations qui reçoivent des aides publiques ne manquent pas d’être déjà encadrées par tout un arsenal réglementaire d’agréments, de reconnaissances, de conventions et d’objectifs qui n’ignore rien de leur identité et de leurs activités. A cela s’ajoute la Charte d’engagements réciproques entre l’État, les associations d’élus territoriaux et le Mouvement associatif, signée en 2001 puis en 2014, au respect de laquelle toute association s’engage en faisant une demande de subvention auprès des services de l’Etat Or, ainsi que le relève très clairement l’avis rendu par le Haut Conseil à la Vie associative sur ce projet de loi,  outre les lois de la République auxquelles les associations sont naturellement soumises, la Charte prévoit déjà le respect des principes républicains et de non-discrimination entre les personnes. Et elle a la grande qualité de s’inscrire dans un rapport de confiance entre les pouvoirs publics et les associations et non dans une logique du tout-contrôle, illusoire mais néanmoins dangereuse.

Décerner une sorte de brevet préalable de conformité républicaine rappelle de très mauvais souvenirs dans l’histoire mouvementé de la liberté de s’associer : ceux des régimes de contrôle a priori du droit d’association instaurant une méfiance généralisée, bridant l’engagement des citoyens. Leur suppression, au bénéfice d’un engagement réciproque assorti d’un contrôle a posteriori en cas de besoinfait précisément partie des grandes conquêtes républicaines pour la liberté.

Dans ces conditions, ce nouveau contrat d’engagement républicain est soit inutile, soit douteux s’il accroit un pouvoir discrétionnaire sur le jugement de conformité aux « valeurs républicaines ». D’autant que les précisions et attendus de ce contrat seront publiés par voie de décret. Les associations d’origine confessionnelle catholique, protestante, juive ou musulmane qui assurent une part essentielle des œuvres caritatives et luttent contre une misère inédite passeront-elles le test républicain ? On sait que c’est justement la forme associative promue par la République qui a ouvert les religions au respect de la laïcité et ont prévenu les déviances radicales. Ce sont les associations, par leur diversité, leur respect de la personne, leur ouverture aux autres et leur action pour le bien commun qui ont justement permis la diffusion du modèle républicain, y compris chez ceux qui en étaient au départ éloignés. 

 Le véritable enjeu du Gouvernement doit être de renforcer les associations dans leur action de terrain, et de définir avec elles, les premières au front, les mesures ciblées permettant d’apporter des réponses. Jouer de l’amalgame avec les dérives communautaristes et instaurer un doute généralisé sur la contribution des associations à une République dont elles sont issues, et au moment où chacun se félicite de leur rôle central face aux effets de la pandémie, ne peuvent être acceptés.

 

Signataires

 

Les président.e.s des organisations membres du MOUVEMENT ASSOCIATIF

 

Loris BIRKEMEYER, Président, ANIMAFAC

Marie-Andrée BLANC, Présidente, UNAF, 

Olivier BRUYERON, Président, COORDINATION SUD

YannickDANIEL, Président, FÉDÉRATION DE SCOUTISME FRANÇAIS

Stéphane DAESCHNER,, président, ASSOCIATION PRÉVENTION ROUTIÈRE 

Didier DEFER, Président, FRANCE BÉNÉVOLAT

Michelle DEMESSINE, Présidente, UNAT

Anne-Claire DEVOGE, Vice-Présidente, CNAJEP

Patrick DOUTRELIGNE, Président, UNIOPSS

Françoise FROMAGEAU, Présidente, MONA LISA

BrigitteGIRAUD, Présidente, CELAVAR

Dominique MARMIER, Président, FAMILLES RURALES

Marie-Claire MARTEL, Présidente, COFAC

Jean PEDELABORDE, Président, CASBC

Nils PEDERSEN, Président, LA FONDA

ArnaudSCHWARTZ, Président, FRANCE NATURE ENVIRONNEMENT

Marielle THUAU, Présidente, CITOYENS ET JUSTICE

Marie TRELLU-KANE, Présidente, UNIS-CITÉ

Michèle ZWANG-GRAILLOT, Présidente, LA LIGUE DE L’ENSEIGNEMENT

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